Les chansons d’Alexandre Vertinsky

© B.G. 1994
© Kurittsa Records 1994

 

1. Le chien Douglas
2. Vos Doigts Sentent l'Encens
3. L'impur
4. Nuit de Noël
5. Jamais (le Perroquet Flaubert)
6. Sans Femmes
7. Aimer Silencieusement
8. Calmes-moi!
9. La Tulipe bleu clair
10. Au Cap de la Joie
11. Une minute sur la voie
12. Princesse Irène
13. La Chine

 

Le chien Douglas

Vous veniez souvent dans notre chambre,
Nous y étions deux : moi et le chien Douglas,
Vous aimiez l'un d'entre nous
Mais on ne savait pas qui, hélas

Vous avez donné du sel au chien,
Rappelez vous, quand il est tombé malade ?
Il aimait les parfums et mordre les gants
Il a toujours su vous faire rire

En mourant, vous nous avez oubliés,
Sans même prendre congés
Mon Dieu, si vous aviez pu téléphoner !
Juste vous rapprocher du téléphone !

On viendra pour votre requiem,
Votre mari dira sèchement : «Dommage»
Et, en avalant calmement l'outrage,
Le chien et moi cacherons notre peine.

N'ayez pas peur. Le chien ne pleura pas,
Mais doucement au bruit de son collier,
Il suivra votre cercueil dans la boue
Devant, mais pas derrière moi.

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Vos Doigts Sentent l'Encens

Vos doigts sentent l'encens
Et dans les cils dort la tristesse.
Vous n'avez besoin de rien
Pas de regrets à avoir.

Et quand comme la porteuse du Printemps
Vous irez dans le pays lointain,
Dieu lui-même sur l'escalier blanc
Vous conduira au paradis.

Un diacre grisonnant marmonne doucement
Prières après prières
Il balaye avec sa barbiche
La poussière dorée du temps.

Vos doigts sentent l'encens
Et dans les cils dort la tristesse.
Vous n'avez besoin de rien,
Pas de regrets à avoir.

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L'impur

Je ne désire pas de femme. J'ai juste besoin d'un thème,
Pour que la mélodie naisse d'un coeur éclatant.
De la charogne je peux créer des poèmes,
J'aime transformer les servantes en reines.

Une fois durant la nuit au dancing, Maya,
Parmi les corps emmêlés, agités par le jazz-bande,
Je vous aie ainsi joliment inventée, ma simple,
Vous, ma magicienne des pays voisins.

Comme chante l'électricité dans les cristaux!
Je suis amoureux de vos fins sourcils.
Vous dansez, Majesté,
Reine de l'Amour.

Une fois durant la nuit au dancing, Maya,
Parmi les corps emmêlés, agités par le jazz-bande,
Je vous aie ainsi joliment inventée, ma simple,
Vous, ma magicienne des pays voisins.

Mais votre âme misérable
était très bien cachée
Vous partez ... Votre nullité
L'impur ... L'erreur à nouveau.

Une fois durant la nuit au dancing, Maya ...

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Nuit de Noël

À nouveau je pose votre lettre en embrassant doucement les pages
Et, en ouvrant votre vilain parfum, j'inspire son arôme douloureux
Et je vois distinctement ces oiseaux noirs et fins
Qui volent vers le Sud, du flacon «Nuit de Noël»

Bientôt viendra le printemps. Et les jeunes violons de Venise Charmeront votre mélancolie, et valseront la tristesse et la peine
Et les péchés seront plus sucrés et les erreurs plus claires
Ne retiens pas tes baisers quand l'amandier est en fleurs

Ne soyez pas triste pour moi, mon ami. Je suis un vieil oiseau gelé. Mon maître, un cruel organiste, me pousse à danser
En sortant les tickets du bonheur, je regarde les visages malheureux
Et sur les sons odieux de cet orgue, j'ai envie de dormir.


À nouveau je pose votre lettre en embrassant doucement les pages
Ne vous fâchez pas pour la triste fin et de l'arôme douloureux de mes
larmes
C'est votre vilain parfum. Ces pensées noires comme des oiseaux
Qui volent vers le Sud, du flacon «Nuit de Noël»

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Jamais (le Perroquet Flaubert)

Je me rappelle ce jour. Vous pleuriez, ma petite.
De vos yeux gris maquillés
Un diamant est tombé dans la coupe de vin
Et souvent, souvent je me rappelais
Il y a longtemps, il y a longtemps
La minute écoulé.

Sur les fauteuils dans la pièce blanchissent vos chemisettes.
Vous êtes partie, et le jour est si vide et gris.
Votre perroquet Flaubert est très triste.
Il dit : «jamais», il répète : «jamais», «jamais», «jamais», «jamais»
Et pleure en Français.

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Sans Femmes

Oh, que c'est bien sans femmes et sans phrases
Sans larmes amères et baisers sucrés
Sans ces yeux gentils mais trop honnêtes
Qui vous mentent et vous font une crise de jalousie

Oh, que c'est bien sans ces scènes théâtrales
Sans ces longues explications raffinées
Sans ces trahisons hystériques
Sans ces regrets tardifs

Et comme ce jeu absurde est ridicule
Où la perte est si grande
Et le gain est si minime
Quand vos partenaires sont des tricheurs
Et la fin du jeu est vraiment impossible

Oh, que c'est bien de se réveiller tout seul
Dans son appart' confortable de célibataire
Et de savoir qu'à personne
Tu ne dois rendre compte dans ce monde

Oh, qu'il est bon avec l'ami
De boire ensemble un simple whisky écossais
Et en souriant se rappeler
Qu'autrefois vous étiez proches avec cette dame

Mais pour compenser un peu la perte
D'entreprendre avec sa copine un flirt innocent
Juste pour rassurer un peu
Une simple fierté d'homme

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Aimer Silencieusement

Vous étiez au théâtre dans un angle derrière les coulisses
Et derrière vous résonnent les mots
Du coiffeur, du souffleur, des acteurs et des actrices
Qui à voix basse me grondent

Quelqu'un sifflait méchamment : jeune mais audacieux
C'est lui qui sait manipuler
Et alors vous avez dit : écoutez, mon petit,
Est-ce que je peux vous aimer ?

Ensuite il y avait le concert.
Je me rappelle la steppe blanche
Et votre salut à la gare
Ce soir vous étiez particulièrement douce
Comme la petite lampe près des vieilles icônes

Et après - les villes, la steppe, les chemins, la neige fondue
J'ai oublié ce que je n'ai pas voulu oublier
Et il reste juste une phrase : écoutez, mon petit,
Est-ce que je peux vous aimer silencieusement?

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Calmes-moi!

Calmes-moi, dis que c'est une plaisanterie
Que tu es la mienne comme il y a longtemps
Ne me quitte pas, je me sens sinistre
Il est tellement pénible et terrible d'être sans toi

Mais tu partiras froide et éloignée
Enveloppant ton coeur dans la soie et le chinchilla
Ne me quitte pas, ne sois pas si dure
Je veux croire encore que tu es à moi.

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La Tulipe bleu clair

Les matelots ont chanté à propos d'une île
Où grandit la tulipe bleu clair
Elle se distingue par sa grande taille
Elle est géante et méchante

Et moi je buvais la bière amère
En souriant par profondeur d'âme
Il est rare de chanter tellement bien
Dans notre désert terrestre

La guitare par un simple accord
remplissait les lacunes des mots
et rappelait imprudemment
Que la musique est comme l'amour
Que la musique est comme l'amour

Et moi je buvais la bière amère
En souriant par profondeur d'âme
Il est rare de chanter tellement bien
Dans notre désert terrestre

Autour, les visages scintillaient
La guitare flottait au loin
Les matelots ont chanté à propos de l'oiseau
Qui plaint les malheureux

Elle a des plumes en verre
Et comme serviteur un perroquet grisonnant.
Elle ouvre les portes
Aux matelots arrivant au paradis

Oh, que c'est difficile dans ce monde
De vivre par la chanson
Je ne veux plus être poète
Je voudrais partir dans la mer.

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Au Cap de la Joie

Au cap de la Joie, ou sur les rochers de la Tristesse
Ou sur les îles des oiseaux lilas
N'importe où nous allons aborder
On ne lèvera pas nos paupières fatiguées

À travers le verre trouble des hublots
Passeront les jardins dorés
Le soleil des tropiques, les palmes de l'équateur
Les glaciers polaires bleus clairs

N'importe où nous allons aborder
Sur les îles des oiseaux lilas
Au cap de la Joie, ou sur les rochers de la Tristesse
On ne lèvera pas nos paupières fatiguées

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Une minute sur la voie

Alors adieu et c'est comme ça
une minute sur la voie
Je ne voulais pas t'oublier
Pardonne-moi, pardonne-moi

Pardonne-moi d'avoir été
Ma maîtresse, ma femme
Que tu m'as complètement brûlé
Et tu as volé mon calme

Que des séparations aux rencontres
Vous saviez faire brûler
Les coeurs froids
Jusqu'au bout

Comment te remercier
une minute sur la voie
Je ne peux pas t'oublier
Pardonne-moi, pardonne-moi

Je me suis levé triste
Je me suis levé mélancolique ce matin
Mon ami secret, mon ami lointain
Je vais mourir

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Princesse Irène

Je crains follement la captivité dorée
De vos cheveux de cuivre comme des serpents
Je suis amoureux de votre nom délicat « Irène »
Et des traces de vos larmes, de vos larmes

Je suis amoureux de vos mains polonaises et fières
De ce sang royal bleu clair
De cette pâleur du visage
Brûlé par ma chanson jusqu'au ravissement, jusqu'au tourment

Peut-on oublier ces épaules enfantines
Cette bouche amère et éplorée
L'accent de vos paroles étranges et raffinées
Le vol de vos cils fatigués ?

Et les sourcils ailés ? Et le front de Béatrice ?
Et le printemps dans chaque mouvement du visage ?
Qu'il est dur d'aimer dans ce monde de convenances
Qu'il fait mal d'aimer sans cesse

Et pâlir, et supporter, et ne pas osez se passionner
En ayant le coeur serré dans la main
Partir avec prudence, refuser pour toujours
Et en même temps sourire dans la tristesse

Je ne peux pas, je ne veux pas, enfin - je ne souhaite pas!
Et en saluant la captivité joyeuse
De la scène, je vous jette mon coeur comme une balle
Attrapez-le, princesse Irène!

top

 

La Chine
(A.Vertinsky - N. Gumilev)

J'ai rêvé que mon coeur ne me fait plus mal
Il est une sonnette de porcelaine de Chine jaune
Suspendu à une pagode bariolée où il sonne tout doucement
Dans le ciel d'émail en taquinant les volées de grues

Et une douce jeune fille en robe de soie rouge
Où des guêpes, des fleurs et des dragons sont brodés d'or
Avec les jambes pliées, sans penser, sans mots, tout doucement
Écoute attentivement ses sons très très doux

top

 

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